LE CHAMEAU DE BACTRIANE : ses caractéristiques, ses usages et son dressage chez les Bashkirs

LE CHAMEAU DE BACTRIANE (1ere partie)


Animal emblématique des milieux steppiques et de la route de la Soie, le chameau de Bactriane et ses cousins ont toujours fait partie du paysage et du mode de vie de nombreuses peuplades nomades des Bashkirs en passant par les Kazakhs ou bien encore les Mongols pour ne citer qu'eux... Même les cosaques (qui dans leur ethnogenèse descendent de nomades) en firent grand usage, et plus particulièrement les cosaques des steppes, les cosaques de l'Oural ainsi que les Cosaques d'Orenburg en possédaient de nombreux Bashkirs dans leur rang.





Photo de l'auteur.


UN ANIMAL TOUT TERRAIN ET TOUT USAGE

A l'image du renne dans le Grand Nord, le chameau est un animal à tout faire pour le nomade de la steppe, de l'animal de travail à l'apport de moyens de subsistances essentielles en passant par l'animal de monte.

Le chameau "offre" pour ses propriétaires un grand nombre de "produits" :

-du lait, l'un des plus riches en vitamines (notamment C) qu'il soit du règne animal et très digeste pour l'humain qui plus est,
-de la laine, l'une des plus chaudes qu'il soit. On la tisse ou la file, pour faire des cordes, des tapis, des vêtements, des semelles de feutre, du feutre pour la yourte...
-du cuir, le cuir du chameau étant un cuir épais et résistant,
-de la viande pour nourrir la famille,
-des os pour faire des outils et objets artistiques divers,
-de la graisse (contenue dans la bosse) qui pouvait nourrir une famille tout un hiver
(...)

Voilà pourquoi sa valeur surpasse de loin celle des autres animaux de cheptel. En effet, un chameau vaut commercialement parlant environ :


-45 à 50 moutons ou chèvres,
-5 à 10 chevaux,
-5 à 8 Yacks,
-ou beaucoup d'argent !

Plus court sur pattes que le dromadaire, et plus trapu que le dromadaire africain, sa physionomie a fait qu'il supporte à la fois les fortes chaleurs et les grands froids, dont les grands écarts d'amplitudes thermiques typiques de la steppe et des déserts des plateaux d'Asie Centrale, tout en restant très longuement sans manger (d'où d'ailleurs ses deux bosses fournissant la graisse nécessaire pour l'alimenter à la fois en lipide essentiel pour lutter contre le froid, et produisant également grâce à un mécanisme complexe, de l'eau!!!).

Par ailleurs, le Bactriane et ses nombreux cousins à deux bosses peuplant toute l'Asie Centrale ont également développé des lèvres épaisses leur permettant de se nourrir des rares plantes de la steppe, très souvent très rigides ou pourvu d'épines et suite à une digestion rapide, transforme tout ça en graisse aussitôt stocké dans ses bosses et réutilisable pour s'hydrater ou se nourrir en temps de disette !

Formidable baromètre, le chameau prévient aussi la tempête : lorsque va arriver une tempête de sable ou de neige, le chameau de Bactriane est un bon indicateur car il la sent longtemps à l'avance. Le troupeau se regroupe alors dans le coin à priori le mieux protégé (selon eux...) et se couchent alors en attendant que ça passe. Une bonne demi-heure, voir une heure plus tard, la tempête arrive à coup sûre !


Le Chameau de Bactriane. A RETENIR : Tandis qu'un dromadaire possède UNE SEULE bosse, le chameau en a DEUX.

Ses capacités physiques sont incroyables : Les soviétiques intéressés par l'animal pour créer des compagnies méharistes dans les zones désertiques et de montagnes de l'Asie centrale faisaient grand cas du chameau de Bactriane. Ils lui firent passer une grande série de tests, impressionnés par ses capacités d'adaptation et de résistance. C'est ainsi qu'on a appris que le chameau de Bactriane pouvait porter jusqu'à 600kg ou pouvait résister à des températures de -50° à plus de 4000m d'altitude , et rester 3 semaines sans manger malgré des températures très basses et 1 mois sans boire aucune goutes d'eau ! Au pas, le chameau de Bactriane a été chronométré à 3,5km/H tandis qu'au galop, il ne tient que 35km/h sur 3 à 4km seulement.

Cependant, à l'image du cheval, ce n'est pas la distance qui fatigue un chameau, mais sa charge. Sans charge, il peut faire 150 km par jour ! Dans les faits, pour ne pas "fatiguer" l'animal, le port maximum normalement autorisé pour un bon mâle est de 200 à 250kg pour pouvoir faire jusqu'à 50 à 60km par jour.




Ma personne remettant le licol à un chameau de Bactriane (Au garrot, près d'1M80 : Un petit mâle...). traditionnellement, pour la monte, on lui perce les naseaux avec un bout de bois taillé en pointe. Dans ma famille, on fait principalement usage de licol (autrefois en cuir de chameau  d'ailleurs ! ).




Ma personne avec un mâle. Notez la grosseur de la tête et les spécificités : narines fermantes, grands cils aux yeux, des caractéristiques faite pour survivre aux tempêtes de sable...Grosses lèvres durs, pour pouvoir manger de tout y compris les arbustes épineux...



Pour vous donner l'idée de la taille d'un pied...



LE CHAMEAU CHEZ LES COSAQUES

Peu connu de la masse populaire, il faut savoir que les cosaques de l'Oural et d'Orenbourg qui comptaient une grande majorité de nomades dans leurs rangs (notez que les cosaques étant également des semi-nomades à l'origine...). Les cosaques d'Orenbourg furent ceux qui utilisèrent le plus le chameau de Bactriane, tant pour transporter son matériel à travers les nombreuses campagnes qu'ils furent, que pour tirer ses batteries d'artillerie en temps de combat.  Notez que l'animal servait notamment aux musiciens lors des sorties régimentaires pour communiquer les ordres jusqu'à fin 18ième siècle !




Artillerie cosaque. Gravure du 18e siècle.




Des Bashkirs avec des cosaques-bashkirs à Orenburg début 20e siècle.



Des cosaques d'Orenbourg au travail avec des chameaux de Bactriane fin 20ième siècle.


UN PEU DE FOLKLORE


Pourquoi le chameau est il toujours mélancolique?

Voici l'histoire du chameau et du Cerf, un petit conte nomade raconte pourquoi le chameau regarde toujours l'horizon d'un air mélancolique.

Il est dit que le jour de la création, le Créateur dans le Ciel avait doté le chameau de bois sur sa tête. Plaisant ainsi aux Dames chamelles, le chameau avait alors beaucoup de compagnes. Le cerf étant tout seul, demanda un jour au chameau s'il pouvait lui prêter ses bois pour lui aussi trouver une compagne. Le chameau, altruiste et plein de compassion envers le cerf, lui prêta volontiers ses bois en lui demandant de lui ramener plus tard. Le cerf partit alors au loin avec ses bois, bien fier. Le chameau le regardait. Plusieurs jours passèrent. Plus de nouvelles du cerf. Ce dernier avait décidé de garder les bois pour lui! Depuis, le chameau scrute toujours l'horizon à la recherche du cerf en espérant mélancoliquement le voir revenir un jour...