CUISINE SAUVAGE: Interview de John C par l'équipe du forum Nature&survieNature&Survie (N&S): CUISINE SAUVAGE avec John C, c'est la nouvelle série documentaire produite par Darooproductions et Bonne Pioche pour France 5. Elle sera prochainement diffusée à partir du 26 juin 2014 à 20H40 sur la 5. Curieux d'en savoir plus, N&S avait quelques questions à poser à John C à ce sujet:
N&S: Tu es à l'origine du concept. Comment t'es venu l'idée de faire ces émissions?John C: Je vais dans la nature depuis que je suis tout petit. Avec ma famille, on a pour habitude de cueillir, chasser et pêcher. Par exemple, ma tante accommode tout un tas de plantes pour sa cuisine. Mon arrière grand mère et ma grand mère maternelle en faisaient de même. De ce fait, j'en ai gardé le plaisir. Un jour, on m'a demandé sur le ton de la plaisanterie de faire des sushis en pleine forêt. Je n'avais que du riz thaï, du piment et de la viande que j'avais séchée. J'ai relevé le défi. J'ai fait du miel avec les fleurs de pissenlit, aggloméré mon riz avec, mélangé à des orties. J'ai fait frire ma viande séchée avec des oignons de ciboule sauvage, ajouté quelques tranches de plantains et j'en passe. J'ai ensuite fabriqué un emporte pièce avec du bois pour mouler mes sushis et le tour était joué. Les gens présents m'ont alors dit que c'était de la cuisine gastronomique! Loin de moi l'idée, mais je me suis justement demandé ce qu'un grand chef étoilé pouvait faire de tout ça! Et CUISINE SAUVAGE est née!
N&S: Comment as tu appris tout ce que tu sais sur la vie sauvage?John C: C'est une longue histoire personnelle, mêlée à un parcours professionnel riche et varié.
J'ai commencé à apprendre avec ma famille et je passais beaucoup de temps en forêt tout gamin. Faut pas le dire, mais je faisais même l'école buissonnière! Mère m'encourageait également à vivre l'aventure en me permettant de partir voyager un peu partout et sur des longues durées (parfois un mois) à l'étranger et ce dès mon adolescence.
Que ce soit du côté paternel originaire de Hongrie et militaire, ou du côté maternel originaire de Russie (des cosaques bashkirs), tous avaient des connaissances et une certaine vision de la Nature. Mais celle qui m'a le plus marquée et imprégnée, qui me faisait rêver, c'était ma culture d'origine maternelle, celle des Cosaques. La culture cosaque est une culture très riche et profonde, vraiment proche de la nature, et pourtant méconnue. J'ai donc eu à cœur ces quelques dix dernières années d'aller à la rencontre des Anciens de ce peuple, d'apprendre avec eux, et de rassembler ce savoir de vie sauvage pour le préserver et le transmettre à nos nouvelles générations.
L'accumulation de connaissances, de voyages d'aventure à pieds, à cheval et même à dos de chameau de Bactriane (je suis un grand passionné des cultures nomades) dans le Grand Nord ou en Asie centrale m'ont donné également une base solide du voyage d'expédition, ce qui a intéressé le monde professionnel comme les militaires, ou les humanitaires. J'ai également un modeste petit parcours au sein de l'Armée, pour qui je travaille encore actuellement en matière de formation survie. C'est en grande partie suite la demande intéressée de ces professionnels dès 2003 que j'ai débuté l’enseignement de la survie, ce qui m'a demandé de rationaliser mes connaissances, de réfléchir autour de programme pédagogique pour transmettre efficacement les informations ainsi que les techniques utiles. J'avais également bossé pour quelques associations tournant autour du sujet "survie"...De fil en aiguille, j'ai développé fin 2008 une école de survie, qui deviendra le 1er janvier 2009, l'Ecole de vie et survie en forêt!
N&S: Cuisine sauvage: C'est une émission de cuisine ou de survie?John C: Ni l'un ni l'autre. Et ce n'est surtout pas une émission de survie...C'est une émission sur la vie sauvage, de Bushcraft, une invitation au retour des choses simples. Pas question de courir comme des dératés, de sauter de 5m de hauteur ou de bouffer une charogne!
J'ai vraiment pensé CUISINE SAUVAGE comme une aventure humaine ampli de valeurs et de partage, plutôt qu'une émission de survivalisme. D'ailleurs, j'aime surjouer sur ce coté survivaliste de l'extrême qui fait peur en jouant de temps en temps un peu de dramaturgie dans les épisodes:
" Attention, si tu touches ça, tu vas perdre une main!" ou
"Si tu ne bois pas, tu vas mourir..." ou bien encore
"Si ton briquet tombe dans l'eau, c'est fini!". Bien évidemment, on est pas dans de l'extrême à CUISINE SAUVAGE, ou dans de l'urgence vitale, et pour sûr que si votre briquet venait à tomber dans l'eau, vous ne mourriez pas sur l'instant! C'est surtout pour me moquer de tout ça, de faire un peu d'autodérision autour de ma profession d'instructeur de survie qui elle, est sérieuse, tout en faisant passer un message préventif avec une pointe de second degré.
Pour autant, ce n'est pas qu'une simple émission de cuisine. Pour moi, le plus haut degré d'expression de confort et de bonne gestion de la vie sauvage, c'est de bien manger. Lorsque tu manges bien, et à ta faim dans la nature, c'est qu'avant ça tu as su gérer ton voyage sans embûches et toute ta vie de camp. Par ce biais, il y a aussi partage d'informations utiles et vulgarisé au profane. Pour les plantes par exemple, nous n'en montrons pas des tonnes et nous avons sélectionnés des vertes facilement reconnaissables... La cuisine au final, ce n'est qu'un prétexte pour partager ses connaissances, passer un bon moment dans la Nature autour d'un défi amical
pour pimenter l'aventure, faire un repas de Chef étoilé!
N&S: Quel message voulais tu faire passer avec ces émissions?John C: Plusieurs en fait. Le premier, c'est d'inviter les gens et surtout nos jeunes à découvrir ce qu'il y a autour de chez eux. Beaucoup pensent que pour vivre une aventure, il faut aller aux quatre coins du monde chercher le sésame héroisant en se mettant en danger. Mais en réalité, l'aventure est au bout du chemin, celui derrière chez vous! Il y a plein de coins sympas en France à découvrir!
Le second point, est qu'il est possible de vivre l'aventure, en respectant tout un tas de règles pas compliquées: les Lois par exemple comme respecter les zones protégées, les interdictions et avoir les autorisations nécessaires, mais aussi respecter celles de la Nature: La nature n'est pas hostile, elle n'a aucune volonté positive ou négative à notre égard. Elle EST, tout simplement. Mais elle a ses codes et n'est pas sans dangers. A vous de les apprendre, et de SAVOIR ÊTRE pour les prévenir, les gérer, et ainsi pouvoir profiter de sa beauté et vivre l'aventure en toute sécurité. Avec l'augmentation du temps de loisir et cette volonté de retour à la nature, de plus en plus de gens partent à l'aventure. C'est bien. Oui, mais pas n'importe comment. Un minimum de préparation, notamment concernant la destination, un peu de matériels utiles, du bon sens, de la vigilance permettent de passer un bon moment en s'affranchissant des risques...
Enfin, le troisième point est de faire prendre conscience aux gens, que notre nature est fragile. Le retour à la nature passe beaucoup en France par cette volonté de retrouver les plantes oubliées, de cuisiner sauvage. Notre nature est fragile. Polluée. Surexploitée. Mal exploitée. Le message que j'ai voulu passer à ce sujet est simple: profitez, mais ne surconsommer pas. Prenez que le stricte nécessaire. Ne laisser pas de traces. Ne posez pas votre bivouac pour une nuit là où d'autres (des espèces protégées) y vivent menacées...Soyez des gardiens du grand jardin, plutôt que des moutons qui surpaturent pour le plaisir de vivre l'aventure! Notre survie à tous, à long terme en dépend!
N&S: Quand tu pars dans la nature, tu emportes toujours le stricte minimum avec toi. Quels sont les indispensables?John C: Oui, j'emporte toujours un minimum. Apprendre aux gens à ne pas se retrouver en situation de survie ou comment s'en sortir c'est mon métier. Mais ça ne m'éclate pas de me mettre moi même dans la merde parce que je "sais faire". Personne n'est invincible. Et je ne suis pas Rambo! Alors quand je pars, j'ai toujours le minimum vital: de quoi communiquer, me signaler, un bon couteau, une gourde, de quoi allumer le feu, une bonne trousse de secours, des gants, un bonnet en plus de mes fringues. Le reste, c'est du plus et dépend du lieu, et de la durée du séjour: un poncho, quelques rations alimentaires, de quoi dormir...
Des gens me disent souvent: mais tu emportes de la nourriture? Ben oui! J'en emporte toujours: Des fois que tu ne trouves rien de conséquent, des fois que tu ne puisses pas aller chercher ta nourriture en raison de mauvaise condition météo, ou d'incapacité physique par exemple (Et ça m'est déjà arrivé!). Alors j'ai le stricte minimum pour le cas où. Le plus souvent, c'est très basique: du sel, de la farine et du miel. Ça me permet de conjuguer avec ce que je trouve dans la nature, et dans l'esprit de mes Anciens, de ne pas l'appauvrir en cueillant, chassant ou pêchant tout ce qui s'y trouve juste pour mon plaisir personnel! J'en laisse pour tout le monde!
N&S: Se nourrir exclusivement dans la nature et dans la durée, est-ce possible?John C: Beaucoup de gens aiment le faire croire. Beaucoup prétendent que oui. Pourtant, non. Et certainement pas dans la durée (peu l'ont vraiment fait et vécu...) pour une société si nombreuse.
Ce n'est pas pour rien si nos sociétés ont évoluées de chasseurs-cueilleurs en civilisation sédentaire ayant développée l'agriculture et l'élevage. Ça déplait d'entendre ça, on aimerait croire au contraire. Mais les besoins pour nourrir tout ce petit monde sont trop importants maintenant. Et malheureusement, ça empire et ce n'est pas demain que ça va changer. Se nourrir en petit groupe, temporairement en situation de survie par exemple lorsque cela est nécessaire pour préserver ou prolonger sa propre vie, ou en vie sauvage pour se faire plaisir autour d'une tarte aux orties est une chose. Mais dans la durée et massivement, ça en est une autre. Et puis imaginez demain 67 million d'individus se ruant dans la verte pour subvenir à leurs besoins? Je ne donne pas cher de notre belle nature, si fragile!
N&S: Y'a t-il eu des moments difficiles durant les tournages?John C: Oui. En Sologne on a eu pratiquement 3 jours de pluie continue. Pas facile! Le chef étoilé Benjamin Collombat s'en souviendra! En Corse, j'ai tourné avec une belle entorse de la cheville! En Guadeloupe, j'ai eu pendant 3 jours une fièvre tropicale: 39°C de température corporelle pour 35°C de température ambiante! Que du bonheur! Dans les marais, une araignée m'a mordu le mollet droit, et j'ai eu un début de nécrose, le médecin n'en croyait pas ses yeux!
N&S: Motivé pour poursuivre l'aventure?John C: Oui bien-sûr, et il y a encore beaucoup à faire. On touche à peine du doigt le potentiel de l'émission. Reste maintenant à pouvoir caler ça dans mon emploi du temps bien chargé entre stages, formations et voyages d'aventure. Et puis l'audimat reste le seul maitre!
Cuisine sauvage - Épisode Marais-poitevin avec Sang Hoon Degeimbre - Photographie France5 Tous droits réservésN&S: Cuisine sauvage: 5 épisodes de 52min diffusés à partir du 26 juin 2014 à 20H40 sur FRANCE 5! Aventures à suivre!